Complétement oubliée dans sa ville natale, une envie m’est venue de vous faire découvrir, une femme, née à Seclin en 1823, qui n’y passa pas de longues années, mais dont la carrière marqua en son temps, l’art subtil de l’Opéra : Mme Joséphine Médori.
Quel lien y-a-t-il entre l’Atomium de Bruxelles, Stromae et Annie Cordy ? Ce lien est une ville, Laeken (Laken), ou plutôt un quartier au nord de Bruxelles, où habita de 1863 à 1906, une cantatrice de renom, Joséphine Medori.
Et Seclin dans tout cela ?
De fait son lien avec Seclin est assez ténu puisqu’elle y vit le jour sous le nom de Joséphine Angélique Wilmot, le 12 Septembre 1823, et rien n’indique qu’elle y passa de longues années. Son père, Pierre Joseph Wilmot, originaire de Templemars, comme son épouse, Catherine Lemoine, exerçait la profession de conducteur de la diligence de Paris. L’Annuaire statistique du Nord de 1807 mentionne que Seclin avait « une diligence suspendue pour Lille, de jour à autre » et l’on sait que l’Auberge du Forgeron était le point d’arrivée et de départ de celle-ci. 226 kilomètres séparaient alors Seclin de la capitale.
Déjà évoqué dans un article précédemment (les moulins), le panorama offert à la sortie de Seclin vers Lille, nous est décrit ainsi : « Nous dépassons le dernier relais, nous sortons de Seclin. Un autre spectacle attire nos regards. Non, jamais on n’a vu une pareille réunion… de moulins à vent. A droite, à gauche, devant, derrière, leurs grands bras rouges se poursuivent sans relâche (…) »1.
Mais revenons vers Joséphine. Les notices biographiques sont lacunaires sur ses premières années, on remarque même un problème dans son état civil puisque souvent il est fait mention d’une naissance autour de 1828 dans la ville de « Sclessin ». On trouve dans les archives, la trace d’une autre Joséphine Wilmot, née le 31 Mars 1824, d’une mère journalière, domiciliée à Burgault, mais cette homonyme ne dépassa pas sa première année et décéda, le 18 Mars 1825. Preuve que c’est bien cette Joséphine, les notices nécrologiques précisent qu’elle avait 84 ans.
De son enfance et son adolescence nous ne savons rien, et nous la retrouvons bien loin de la Flandre, à Naples où elle étudia sous la direction d’un maitre de l’opéra italien du 19e siècle, Giuseppe Saverio Raffaele Mercadante. C’est auprès de cet homme, cité dans la Chartreuse de Parme de Stendhal, mais qui fut éclipsé de la mémoire des hommes par Pacini et surtout Verdi, que la jeune Joséphine s’applique à apprendre afin de briller au sein du Conservatoire.
Très vite, elle conquiert les scènes de la péninsule italienne « où sa beauté vigoureuse et opulente, sa voix de soprano riche et étendue, son grand sentiment dramatique et son intelligence de la scène lui valurent aussitôt une grande renommée »2.
En 1848, elle se marie à un négociant italien et sera dorénavant la Médori.
C’est en Italie qu’elle peaufine son talent et interprète un répertoire tragique qui va d’Otello à Ernani de Verdi, en passant par Fidelio ou encore Les Huguenots de Giacomo Meyerbeer.
Ce dernier est un chef d’œuvre de l’opéra dit Romantique. L’action se déroule en 1572 en pleine guerre de religion ; Joséphine y incarne Valentine qui dans l’acte IV tente désespérément se sauver son amant Raoul, d’une mort certaine puisque le massacre de la Saint Barthélémy vient de commencer. La Gazette Musicale de Paris publie ceci le 28 Février 1858, alors que cet opéra est joué à Madrid : « Me Medori continue d’exciter l’enthousiasme (…) Les Huguenots ont réussi au au-delà toute espérance avec Me Medori et Bettini. La vaillante musique de Meyerbeer devait être est en en effet très-goutée des Espagnols. La romance du ténor au premier acte, le grand septuor du troisième, et le duo dramatique du quatrième entre Valentine et Raoul ont excité là comme ailleurs des applaudissements frénétiques. Les Huguenots sont le triomphe de Me Medori »3.
Après avoir conquise toutes les scènes italiennes où l’on mentionne qu’à Rimini « le public ne s’est pas contenté des bis, rappels, bouquets, couronne et pièces de vers ; à la lueur d’une centaine de torches allumées, il a dételé les chevaux de la cantatrice et trainé sa voiture en criant : Viva La Médori ! (…) »4, elle arpente les planches à Londres, Vienne, Saint-Pétesbourg… après un succès mitigé en 1856 à Paris, elle revient sur les scènes internationales et voyage à nouveau : Naples et le Théâtre San Carlo, Lisbonne, Madrid du 1er Octobre 1857 à la fin Mai 1858 et même le Brésil à Rio de Janeiro.
Devenu veuve, elle se remarie le 27 Décembre 1863 avec un célèbre tailleur bruxellois, un certain Navir. S’installant dans sa nouvelle résidence, une villa château à Laeken au nord de Bruxelles, elle décide de mettre un terme à sa carrière par une dernière tournée triomphale aux Etats-Unis, à New York et Philadelphie. Un dernier article dithyrambique : « (Elle) force à l’enthousiasme l’auditoire le plus indifférent. Elle possède au plus haut degré la dignité, la grâce de la démarche, et sait exprimer avec beaucoup de naturel les différents sentiments du drame. Voilà le secret des succès de Joséphine Medori, de l’enthousiasme qu’elle excite, des applaudissements et des acclamations qui l’accompagnent partout »5.
Après une carrière si gratifiante, Joséphine va s’employer à faire le bien autour d’elle. Devenue une dame du monde, elle s’investit dans un nouveau rôle celui de dame patronnesse et dépense sans compter en charité envers les plus pauvres de sa commune, Laeken. Pour la remercier, son nom est même donné à une rue de sa ville d’adoption qui n’en est pas moins une ville royale puisqu’on y trouve encore les magnifiques serres royales construites en 1873, un château et l’église Notre-Dame dont la crypte abrite les sépultures des souverains belges. Plus tard, après son rattachement en 1921 à la ville de Bruxelles, c’est ici que furent accueillis les Expositions Universelles de 1935 et 1958.
Arrivée à l’âge estimable de 84 ans, c’est un drame terrible qui va l’emporter : « On suppose qu’une bougie a mis le feu aux rideaux du lit de la pauvre femme. Sa chambre ne formait qu’un vaste brasier quand les secours sont arrivés »6.
Maxime CALIS – Guide-Conférencier – Office Tourisme de Seclin & Environs – Octobre 2016
Sources documentaires :
1. L’Illustration, journal universel – « La colonne de 1792 à Lille et la colonne de la Grande Armée à Boulogne, à M. le Directeur de l’Illustration », Lille, le 10 Octobre 1845.
2. Le Ménestrel – 10 Novembre 1906 – article nécrologique
3. La Gazette Musicale de Paris – 28 Février 1858 – Chronique étrangère – p. 71.
4. La Gazette Musicale de Paris – 30 août 1857 – Chronique étrangère – p. 287.
5. La Comédie – 8 Mai 1864
6. Id. n°2
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Axel (dimanche, 30 octobre 2022 10:55)
En fait, ce pont là reliait le Stuyvenberg et la propriété aujourd'hui disparue de la Villa Vandenborgh. Cette villa abritait la Baronne de Vaugan connue pour être la maîtresse de Léopold II qui l'épousa en toute confidentialité à la fin de sa vie.
Au fond, on observe quelques maisons de la Place St Lambert qui permettent de la situer. Aujourd'hui, le tram et la promenade verte passent à cet endroit.