Le XIXème siècle marquera le début d’une révolution industrielle dans notre région. En effet, notre nation se mettant à produire les biens qu’elle se procurait de l’étranger, le Nord n’a pas dérogé à la règle. A commencer par l’industrie sucrière et les distilleries grâce à la betterave dont la culture, favorable dans nos terres grasses et humides, offrent un fort rendement agricole.
Ensuite, c’est la houille sous nos pieds qui ouvrira un impressionnant nombre de fosses sur 150 km de terrain minier aujourd’hui inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO.
S’en suivront la sidérurgie, l’industrie chimique et les filatures parmi les plus importantes productions qui surnommeront le Nord de « Première usine de France ».
Mais, bien que cette période soit marquée par de nombreuses innovations dans les sciences, l’industrie, les arts et la chimie, elle connaîtra un revers peu glorieux à travers une sombre période du monde ouvrier.
Les conditions de travail des ouvrières étaient de 12 heures quotidiennes. Si une machine tombait en panne, l’ouvrière devait récupérer le temps durant lequel elle était à l’arrêt.
Les lieux de vie des familles se trouvaient, pour les plus chanceux, dans les maisons de courée construites à l’origine par les riches propriétaires fermiers et ensuite par les patrons d’industries.
Ces maisons, sombres constituées de 3 pièces sur trois niveaux pouvaient accueillir jusqu’à 10 personnes dans des conditions d’hygiène peu envieuses.
Durant cette période, le taux de fécondité fait passer notre population française de 29 millions d’habitants en 1801 à 41 millions en 1911. Soit le double en un siècle. Une ouvrière mettait au monde en moyenne 6 à 7 enfants.
Mais, les interminables heures de travail, accentuées par les médiocres conditions de vie, offraient peu de chance de survie aux poupons. Au point qu’à la moitié du XIXème siècle, deux enfants sur dix mourraient en bas âge dans notre pays.
Devant cette tragédie, certains paternalistes industriels, dont les filatures GUILLEMAUD à Seclin, décidèrent de réagir en prenant l’initiative d’aménager au sein de leur usine des « chambres d’allaitement ». Ceci pour permettre aux ouvrières de nourrir au sein leurs nouveau-nés afin d’offrir aux nourrissons une meilleure chance de survie en évitant le lait artificiel principale raison de cette mortalité infantile car souvent donné dans un biberon sans précaution d’asepsie.
Un lieu est aménagé dans l’enceinte de l’usine. La dépense se chiffre à 17Fr par berceau et de 0.20Fr pour les frais d’entretien par enfant et par jour. Le local, bien aéré de 10 mètres sur 10, est isolé par des cloisons de l’atelier d’emballage ou du magasin du site. De telle sorte que l’ouvrière, souvent la plus âgée, en charge du lieu peut, durant les heures creuses, assurait un poste d’emballeuse sans trop s’éloigner de la garde des bébés.
Dix couches par jour et par enfant sont offertes par l’entreprise dont les langes salis sont conservés dans un coffre en tôle hermétique qu’une blanchisseuse récupère chaque matin.
Les ouvrières retrouvaient leur enfant toutes les trois heures, pour le nourrir, le changer avant de reprendre son poste de travail.
L’expérience GUILLEMAUD s’est montrée très vite concluante. Les poupons vigoureux faisaient la joie des ouvrières et du « patron paternaliste » voyant en eux une future main d’œuvre.
En 1913, l’État français rendra obligatoire ces chambres d’allaitement dans toutes les usines françaises.
Ceci malgré la loi du congé maternité de 1909 qui malheureusement ne prévoyait pas de rémunération pour les mamans en arrêt. Il faudra attendre 1910 pour que les premières institutrices puissent en bénéficier, 1929 pour l’ensemble des femmes fonctionnaires et 1970 pour l’ensemble des femmes salariées.
Sophie CHICHE – Guide Conférencière – Office de Tourisme de Seclin