Les eaux d'Emmerin

 Lorsque nous regardons la carte du Mélantois, nous remarquons une vaste étendue de terrains agricoles. Nous pourrions alors nous demander pourquoi, dans nos frénésies contemporaines, nous ne les avons pas urbanisées. Et bien, parce que ces terrains sont protégés par les eaux de source qui y coulent sous les sols. Aussi appelés « les champs captants », il s’agit d’un réservoir naturel de 19 km de long sur 8 km de large, créé par le « tun », nom donné dans le Nord à des couches de terrains calcaires, révélant de nombreuses sources pouvant stocker jusqu’à 6 600 m3 d’eau en 24 heures. 

Les eaux d'Emmerin - Origine Archives Municipales d'Emmerin
Les eaux d'Emmerin - Origine Archives Municipales d'Emmerin

Au XIXème siècle, alors que la commune d’Emmerin décide de construire son église Saint-Barthélemy, les Emmerinois découvrent avec stupéfaction qu’ils ont sous leurs pieds un gisement d’eau d’une richesse insoupçonnée. Les analyses démontrent que « les eaux de par leur limpidité, leur fraicheur, leur bon goût et leur composition peuvent convenir à la distribution d’eau potable ». La société des Eaux d’Emmerin se crée alors par l’exploitation de 3 sources : La Cressonnière - La fontaine Billault et la Source de Guermanez.

 

C’est alors que la ville de Lille manifeste un vif intérêt à ce trésor et sollicite l’achat de la source de « Guermanez » pour la distribution d’eau potable à leurs administrés.

 

Mais, le Conseil Municipal Emmerinois craint son tarissement et surtout une dilution avec les eaux usagées des canaux de la ville de Lille. La source étant un bien communal, la mairie repousse la proposition conseillant aux lillois de puiser leur eau dans une source plus proche de leur ville.

 

Mais, face à leur insistance, la ville d’Emmerin entame en 1866, la négociation de la concession de ses eaux moyennant l’engagement suivant :

  • Procurer l’eau gratuitement aux habitants d’Emmerin par l’établissement de borne fontaine aux frais de la ville de Lille
  •  Permettre des installations intérieures et des branchements aux bâtiments communaux
  • Établir une fontaine spécifique à « Guermanez »
  • Payer une somme de 30 000 francs.

Une enquête d’utilité publique estima l’opération en 1867. Un expert est délégué et propose d’acquérir les sources d’Emmerin par l’installation des aqueducs afin d’amener l’eau vers Lille selon deux options aux choix :

  •     Une somme de 20 000 francs contre renoncement de toute réclamation d’abaissement éventuel de la nappe d’eau.
  •     Une somme de 4 000 francs avec prise en charge de la ville de Lille des travaux nécessaires pour assurer l’eau soit en approfondissant les puits, soit en canalisant et pompant les eaux pour une distribution dans les foyers Emmerinois.
Origine archives Municipales de Lille
Origine archives Municipales de Lille

 La première proposition fut retenue à la majorité.

 Nous pourrions ici être surpris par ce choix du Conseil Municipal. Mais, si l’on se positionne dans le contexte de l’époque, nous devinons facilement que le poids politique de Lille écrasait toute négociation entre les deux villes.

 

 Et puis, la déclaration de guerre de 1870, a cloturé tout débat lié à cette décision.

 

Aujourd’hui, nos champs captants approvisionne la moitié du besoin en eau potable des 90 communes de la métropole lilloise. Elle passe par le réservoir de Wattignies avant d’être distribuée jusqu’à nos robinets.

 

 

Sophie CHICHE - Guide Conférencière - Office de Tourisme de Seclin