COLLEGIALE SAINT PIAT : Un Van Dyck mixé à un Rubens ?


Seclin, église St Piat - "La Descente de la Croix" - Toile anonyme - XVIIe siècle  Objet classé depuis le 21 Janvier 1974.
Seclin, église St Piat - "La Descente de la Croix" - Toile anonyme - XVIIe siècle Objet classé depuis le 21 Janvier 1974.

En pénétrant dans la Collégiale Saint Piat de Seclin, le visiteur découvre sur le mur nord de la Nef (à gauche en rentrant), un tableau qui bien qu'un peu noirci par les ans, révèle la Déploration du Christ, plus communément appelée "la Descente de Croix".

En y regardant de plus près, ce tableau a peut être un secret à vous dévoiler.

 

.

Cette toile semble être d'abord une copie trouvant source dans une œuvre fort similaire signée par un grand maître, Anthony VAN DYCK (1599-1641). Cet Anversois connaitra la fortune et la gloire en devenant le peintre de la cour d’Angleterre, mais cela n’est pas l’objet de ce propos. On connait de lui plusieurs tableaux traitant du même sujet, à savoir les minutes après la descente de la croix. Deux toiles rapprochées dans le temps, 1615 et 1619, peuvent totalement se rapprocher de l’œuvre seclinoise, il est alors un peintre « débutant », d’autres liens peuvent être faits avec des oeuvres plus tardives dans les années 1630, la scénographie y est différente. Le sujet reste pourtant le même celui de la Déploration du Christ : mort il est descendu de la croix et pleuré par ses proches avant d’être porté au sépulcre. 

Anthony Van Dyck - "La déploration du Christ" - 1615, toile exposée à Alte Pinakothek de Munich
Anthony Van Dyck - "La déploration du Christ" - 1615, toile exposée à Alte Pinakothek de Munich

Un premier tableau, daté de 1615 et de nos jours visible à l’Alte Pinakothek de Munich, présente un traitement beaucoup plus dramatique.

L’apôtre Jean semble réellement marqué par la douleur, on a presque l’impression d’entendre son cri de désespoir. La pâleur de la chair morte et les yeux rougis de Marie qui les tournent vers les cieux accentuent l’émotion de l’instant.

 

Le jeune Van Dyck est encore au tout début de sa carrière.

Anthony Van Dyck - "La déploration du Christ" - 1619 - Toile exposée à Oxford, Ashmolean Museum
Anthony Van Dyck - "La déploration du Christ" - 1619 - Toile exposée à Oxford, Ashmolean Museum

Quatre ans plus tard, toujours à Anvers, il est alors l’élève (ou plutôt l’assistant) du non moins célèbre Pierre Paul Rubens (1577-1640). L’humanité déchirante du premier tableau laisse place à plus de recueillement, même si la douleur d’une mère est visible avec cette larme coulant sur sa joue. Si la première toile tendait à un monochrome de noir où par contraste la blancheur crue de la chair se détachait, dans sa deuxième œuvre, c’est un rouge vif qui domine. Un rouge sanglant, l’hémoglobine ruisselle du flanc, se voit sur le bras, le visage. Les objets de la passion, clous et couronne d’épine à l’avant plan en sont la cause. L’habit de Jean accentue cette dominante.

 

Les quatre personnages des deux tableaux, le Christ mort, Marie, Jean et Marie-Madeleine sont reproduits quasiment à l’identique pour la toile de Seclin, mais l’artiste (inconnu) a comme reculé offrant un panorama et de nouveaux personnages.

Pierre Paul Rubens - "La Descente de Croix" - 1616-1617 -  Toile exposée aux Beaux Arts de Lille.
Pierre Paul Rubens - "La Descente de Croix" - 1616-1617 - Toile exposée aux Beaux Arts de Lille.

Nous avançons une hypothèse, que l’artiste ait puisé son inspiration principale dans le Van Dyck de 1619 et complété le reste après avoir vu la Descente de Croix de Rubens (Beaux-Arts de Lille) qui lui est quasiment contemporaine (1616-1617) et fut peinte pour la chapelle des Capucins à Lille.

Le quatuor de Van Dyck  voit ainsi s’agréger une vieille femme comme dans le Rubens, mais aussi Marie Clopas en bas à droite qui tend la paume de sa main comme pour y recueillir le sang.

Deux hommes qui ne peuvent être d’après la tradition que Nicodème et Joseph d’Arimathie encadrent le groupe, ils ont aidé à descendre le corps de la croix que l’on peut voir en arrière fond malgré l’obscurité de celui-ci.

 

Il n’est pas improbable que cette œuvre soit de la même main que celle qui réalisa l’Adoration des Mages exposée dans le transept nord de la Collégiale. Un article sur celui-ci est disponible sur ce blog. On peut noter une certaine ressemblance, outre dans le style pictural que dans le physique de certains personnages des deux toiles.

 

Les chanoines de Seclin auraient pris commande de ces toiles dans le premier tiers du XVIIe siècle, d’un élève ayant côtoyé deux génies de l’art pictural. Il est permis de rêver un peu, non ?

 

Rédaction et mise en page : Maxime CALIS, Guide Conférencier - Office de Tourisme de Seclin & Environs - Août 2016

 

Note :

Article sur "L'adoration des Mages" : http://www.seclin-tourisme.fr/2016/01/12/l-adoration-des-mages-dans-la-collégiale-de-seclin/

 

Écrire commentaire

Commentaires: 0