Pendant quatre longues années, les Seclinois et tout ceux qui derrière la ligne de front sont coupés des maris, des frères partis combattre, et par voie de conséquence des nouvelles de la Mère Patrie. Une expérience si bien décrite dans Invasion 14 par le Roubaisien, Maxence Van Der Meersch.
Une municipalité résistante
Si l’occupant est partout maitre décisionnaire et régent dans de nombreux domaines, il va pourtant essayer de s’appuyer sur les corps constitués, et notamment sur l’administration communale
existante.
Emile Pontfort démissionnant à la mi-septembre 1914, c’est le conseiller municipal, M. Achille Caby qui assure la fonction de maire.
L’une des premières mesures prises est le paiement par la ville de l’entretien des troupes stationnées. Une somme de 1250 francs est exigée. M. Caby va alors entamer un bras de fer avec la
Kommandantur. Des mois d’Octobre 1914 à Avril 1915, la situation s’envenime, ne laissant d’autre choix face à la ténacité d’Achille Caby de le faire arrêter le 10 avril 1915. Il sera déporté à
Tournai jusqu’à la fin de la guerre.
Les notables désignés d’office par la Kommandantur auront à coeur de refuser le poste, à moins de s’y voir obligés comme pour Achille Desurmont.
En 1916, ce filateur tiendra lui aussi tête, face à une réquisition des métaux. Il faudra de lourdes menaces, notamment d’incendie de la ville, pour que les Seclinois ne cédent à cette
injonction. Mais M. Desurmont aura tenu jusqu’en juillet 1917. Pour l’anecdote, lors du ramassage, on perquisitionna entre autre des baignoires. Elles reprirent vite leurs places suite aux
plaintes adressées par les officiers ainsi lésés !
Les Bons Communaux
Avec la création d’une ligne de front continue et le départ de la Banque de France lilloise, les problèmes fiduciaires seront grands en zone occupée. L’établissement de billets, dits bons
communaux et même de pièces (jeton-monnaie ou pièces en carton) tenteront de venir calmer les angoisses des commerçants et de la population sur un moyen palliatif de paiement.
Seclin fera partie des 67 sociétés émettrices de bons communaux dans le Nord.
La question alimentaire
Aux vexations, interdictions, perquisitions qui rythmèrent le quotidien des populations occupées, le principal problème fut celle de la survie, d’avoir à manger. Dès août 1914, la marine
britannique entame un blocus de l’Allemagne, la privant de tout. Celui-ci causa au final des ravages plus terribles pour les civils que pour l’armée, celle-ci étant prioritaire. Très vite, la
situation fut jugée catastrophique car les autorités allemandes refusent d’assumer le devoir de ravitaillement aux populations occupées en représailles de l’attitude des alliés envers la leur.
C’est pour cette raison que se mettra en place le Comité d’Alimentation du Nord de la France en avril 1915.
Tout comme lors du conflit suivant, des cartes spéciales sont délivrées et les civils, à tour de rôle du n°1 au n°1840, sont reçus à la Malterie Pontfort tous les quinze jours.
Malgré ce système, la situation se tendra au fil des mois, ainsi peut-on lire dans le Journal des Réfugiés du Nord, en Février 1917 un constat terrible pour les Seclinois.
« La récolte des petits jardins a été laissé aux propriétaires, mais dans les jardins les plus importants, les allemands réquisitionnent une partie des fruits et des légumes (...) la viande
manque totalement depuis six mois. Le poisson est extrêmement rare : il n’en a été distribué qu’une fois (...) les oeufs coûtent 1 mark pièce et sont presque introuvables. L’alimentation
ordinaire est ainsi constituée : céréaline, saindoux, haricots, lentilles, riz. Il y a du lait condensé en suffisance (..) pour les petits enfants (...)».
L’aliment qui restera dans la mémoire sera le pain, dit pain K ou KK. La gravure ci-dessous, bien qu’illustrant une famille allemande, donne une idée de sa «qualité» et de ce que durent avaler
nos aïeux. Ce «pain» était constitué de seigle, de rutabagas, de pomme de terre... et pour l’anecdote, il était interdit d’en nourrir les animaux. Les stocks furent très tôt réquisitionnés, ainsi
le 27 Février 1915, la minoterie Thuet doit fournir 40 320 kilos de blé. Grevant de fait la capacité de fournir du pain aux civils.
Au terme de la guerre, les populations sont sous-alimentées (1300 calories / jour, soit 2 à 3 moins que la norme), les enfants sont rachitiques, le vieillissement y est plus précoce, le scorbut,
le typhus trouvent un terrain favorable.
Pour ne rien arranger, 1918 sera l’année de la grippe espagnole qui fera de très nombreuses victimes.
Cet article vous a plu ? Partagez le !
Écrire commentaire