En 1995-1996, l’inventaire minutieux des archives de l’Hôpital Notre-Dame avait recensé 21 pots ou chevrettes, contenants en faïence, des médecines prodiguées par les Soeurs Augustines de
Seclin (1).
Les trois pots (dénommés également par leur forme « pots à canon ») servaient pour les solides (pilules, crèmes ou onguents), les dix-huit chevrettes assuraient eux la conservation des
liquides (sirops ou lotions).
Si leur fabrication est attestée pour la première moitié du XVIIIe siècle et circonscrite de par leur style aux Pays-Bas Flamands, l’origine exacte de leur provenance reste un mystère. Des
similitudes flagrantes sont attestées dans les collections du Palais des Beaux-Arts de Lille et même au Musée des Arts Décoratifs de Paris, mais la localisation précise de l’atelier du faïencier
demeure inconnue.
Chaque pot ou chevrette est recouvert d’une délicate peinture bleue foncée agrémentée d’énigmatiques lettres « I.P », « B.R.F » et « I.D.F », de plantes, fleurs, animaux et de curieuses têtes de
satyre ou déversant de leur bouche des végétaux se terminant par des poires.
Chacun étant édicté de son contenu.
Pour les trois pots : Conserve de Cornouille, Conserve de Rose Rouge et Confection de Hamech.
Pour les chevrettes : Assortiments de Mannes, Sirop de Stoechas, Sirop de Violette, Sirop de Myrte, Sirop de Bourrache, Oxymel Scillitique, Sirop de fruits du jardin fruitier, Sirop de Grande
Consoude, Oxéolé de câpres, Cérat de Buglosse, Sirop de Fumeterre, Sirop de Citron, Sirop de suc de Berberis, Sirop de Marrube, Huile d’Aneth (2), Huile d’Absinthe, Sirop de fleurs de
Pêcher.
La médecine de ce temps reste très largement imprégnée des doctrines de l’Antiquité du Grec Hippocrate ou du Romain Gallien. Un « savant » mélange de fluides, de cosmologie, d’astrologie,
tempéraments et autres humeurs. Molière tourna tout cela en dérision dans le Malade Imaginaire, mais il fallut attendre le 19e siècle pour mettre à bas cette médecine de la saignée, des
lavements, vus et perçus comme l’alpha et l’oméga de tous les maux du corps et de l’esprit.
Les quatre humeurs/fluides : le sang, le phlegme, la bile jaune et noire étaient purgées, lavées et associées à des plantes. Les dictionnaires pharmaceutiques et botaniques de ces temps-là
associaient analyse fine de la plante mais aussi humeurs ou maux auxquels on pouvait l’appliquer.
La « Confection Hamech » tient son nom d’un médecin arabe et ne comprenait pas moins d’une trentaine d’ingrédients parmi lesquels des fruits (raisins et pruneaux), des graines (anis, fenouil), un
champignon (agaric) ou du petit lait de vache. La Pharmacopée Universelle de 1738 indique qu’elle « purge vigoureusement toutes les humeurs ; on s’en sert pour la vérole, le scorbut, la
démangeaison de la peau, la galle, la teigne, les dartres, les écrouelles ». Bref une vraie panacée épidermique ! Notons pour être tout à fait complet qu’on pouvait concocter une Grande et
une Petite Confection Hamech, cette dernière ayant « les facultés de purger les humeurs adultes et mélancoliques. C’est pourquoi elle est propre à la manie, à la mélancolie, au vertige, au
défaut de mémoire et aux vices du cuir (…) » (2).
La pharmacie de Seclin était pleine de sirops. Dans une édition (3) de l’An 10 de la République (1802), on peut lire qu’un sirop de Bourrache simple
(Syrupus borraginis) est « propre pour humecter la poitrine, pour purifier le sang, pour recréer les esprits ; on le donne aux mélancoliques ». Que celui à base de violettes (Syrupus
violarum) sera donné pour « épaissir et adoucir les humeurs trop âcres, pour tempérer la bile, pour désaltérer dans les fièvres ardentes, dans le rhume ». Le sirop de fleurs de pêcher
(Syrupus persicae) « purge doucement, principalement les sérosités, c’est pourquoi on l’estime pour purger le cerveau ; il est propre aussi pour les obstructions, pour les vers ». Le
fumeterre (Syrupus fumariae) « excite l’urine, purifie le sang » quand celui à base de Grande Consoude arrête « le crachement de sang et autres hémorragies, fortifie les poumons et la
poitrine, modère les cours de ventre ». Enfin, le Stoechas Arabique (Syrupus De Stoechade) est « estimé pour l’asthme et pour la toux opiniâtre ; ce sirop chasse les vents, pousse les
règles et fortifie le cerveau et les nerfs » (4).
Gageons qu’au terme des travaux qui seront menés pendant deux ans au sein du bâtiment classé de Seclin, ces pots trouveront enfin un espace où le public toujours avide de savoirs pourra admirer
l’art de la faïencerie tout en méditant sur une médecine qui n’avait comme technique que "Clysterium Donare, Postea Seignare, Ensuitta Purgare, reseignare, repurgare, et
rechilitterisare" (5).
M. CALIS Maxime – Guide-conférencier et Animateur Tourisme – OT Seclin & Environs – Mai 2015
Sources :
1. Stéphane Révillion (Dir.) – L’Hôpital Notre-Dame de Seclin – 1996 - article p.70-73.
2. M. De Meuve – Dictionnaire Pharmaceutique – 3e édition – Tome Premier – Lyon – 1695 – p. 426-431.
3. Dictionnaire Botanique et Pharmaceutique – Seconde Partie – Paris – 1802.
4. M. Julia de Fontenelle – Nouveau dictionnaire de Botanique Médicale et Pharmaceutique – 3e édition – 2e partie – Paris – 1836
5. extrait de la pièce, scène XIV - Le malade imaginaire de Jean Baptiste Poquelin (Molière)
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