La filature Guillemaud de Seclin

La filature Guillemaud en 1865 (source : "Si Seclin m'était conté..." paru en 2003)
La filature Guillemaud en 1865 (source : "Si Seclin m'était conté..." paru en 2003)

Si pour les Seclinois.es, ce nom Guillemaud évoque de suite un château (Service Enfance-Jeunesse), c'est surtout celui d'une filature de lin exemplaire à plus d'un titre et qui a laissé une trace non négligeable dans l'histoire de notre ville mais aussi industrielle de notre région.

Le fondateur : Claude Guillemaud (1827-1888)
Le fondateur : Claude Guillemaud (1827-1888)

Lorsqu'en 1844 le jeune Claude Guillemaud, âgé de 17 ans, débarque dans notre ville, il est un parfait étranger. Il n'est absolument pas originaire de la région, c'est un Bourguignon. Il est né à Lugny, en Saône-et-Loire, le 8 Avril 1827. Ce village entre Mâcon et Chalon-sur-Saône est un chef lieu de canton peuplé d'un millier d'habitants. Il quitte une région viticole réputée et prospère avant que ne sévisse le phylloxéra. Il rejoint en fait son oncle, un certain Charles Duport qui depuis quelques années s'est installé à Seclin et lancé dans l'aventure industrielle. Un article de l'Office de Tourisme revient sur la vie de cet industriel, filateur qui, lui-aussi, a choisi Seclin comme "terre d'adoption".

Dans cette première moitié du XIXe siècle, le Nord se métamorphose et si dans la région de Valenciennes puis remontant vers Lens, le sous-sol révèle des gisements de houille, ici à Seclin comme dans le reste de la région Lilloise, les habitants se tournent vers d'autres activités économiques : la brasserie, la distillerie, la sucrerie et bien évidemment la filature de coton ou de lin.

Bien que Seclin ne connaîtra pas la fulgurante ascension de Tourcoing ou Roubaix, notre ville est tout de même depuis quelques décennies déjà un centre d'essai pour ces nouvelles industries. Ainsi dès les premières années 1800, la fabrique Lefebvre-Burghelles de Seclin s'est faite remarquer avec des métiers à tisser mécanique de copie anglais, les célèbres "Mule Jennys,  alors que la concurrence consistait encore en des tisserands travaillant à domicile sur des rouets. Prenant le train de modernité dès l'enclenchement de la "Révolution industrielle" Seclin est, en 1829, une ville qui attire "beaucoup d'étrangers" venant "juger des progrès de cette industrie, dont les secrets ne sont pas tous révélés aux curieux"1. Charles Duport est l'un de ces étrangers. Jugeant son jeune neveu prometteur, il le fait venir... scellant par ce choix, le destin d'une famille avec notre commune.

Claude Guillemaud sera jusqu'en 1858 le directeur de la filature de son oncle.

 

Il se marie le 9 Juin 1856 avec Catherine Anne Marie Descloquemant, née le 1 Décembre 1833. Sa famille possède une brasserie. Ils auront plusieurs enfants. D'abord Claude Charles François, né le 9 Mai 1858 et qui prendra la succession de la filature. De leurs quatre filles, seule Hélène Marie, née le 23 Décembre 1859, survivra. Les trois autres, toutes prénommées Jeanne, décéderont à 8 mois, 7 ans et 13 ans. 

Lorsque Charles Duport décède le 21 Novembre 1858, Claude Guillemaud est présent. La filature Duport est liquidée et compte-tenu de son expérience et de la disponibilité de fonds financiers, Claude Guillemaud ouvrira en moins de deux ans, sa propre filature. Le cadastre de 1857 mentionne qu'il est propriétaire de deux parcelles au long de notre actuelle rue des Martyrs, alors route d'Houplin. Les deux terrains adjacents remontant vers la rue de l'Hospice (aujourd'hui rue Dormoy) sont rachetés dans les mois qui suivent. Ces terres étaient détenues par la Veuve Meirsman Bernard, Mélanie, née Crombecq, une ancienne cabaretière mais tout de même rentière (1783-1865) et la plus vaste par des héritiers, les Poupart. En 1860, la filature de lin et d'étoupes Claude Guillemaud Aîné est créée. 

Extrait du cadastre de Seclin en 1857 (P31/285 - ADN)
Extrait du cadastre de Seclin en 1857 (P31/285 - ADN)

Une filature vite au sommet

Les succès de Claude Guillemaud Aîné seront rapides. Il gravira à chaque fois les paliers et augmentera sa capacité productive. D'un millier de broches à sa fondation, la filature est passée en 1875 à 5 000 broches puis à 7 000 en 1876.

Dès 1867, se présentant lors de l'Exposition Universelle de Paris, il remporte une médaille de bronze. De retour dans la capitale en 1878, on se l'imagine grimpant dans la tête de la future statue de la Liberté (oeuvre de Bartholdi) et repartant d'autant plus fier à Seclin qu'il a décroché cette fois-ci une médaille d'argent (classe 31 - Fils et tissus de lin, de chanvre). Malheureusement, Claude Guillemaud Aîné décèdera le 14 Octobre 1888. Il n'aura ainsi ni l'occasion de voir la Tour Eiffel, ni d'afficher une grande fierté avec la médaille d'or obtenue lors de l'Exposition Universelle de 1889.

Et suivirent en 1897 un diplôme d'honneur à Bruxelles et la Croix de Chevalier de l'Ordre de Léopold. En 1900 c'est à nouveau un Grand Prix et encore un autre quatre ans plus tard à Saint-Louis au Missouri (Etats-Unis) ! Mis hors concours lors de l'Exposition Universelle de Liège car Claude Guillemaud en fut l'un des vice-présidents du jury, il se rattrapa dès 1908 à Londres avec une nouvelle fois un Grand Prix. D'autres expositions reçurent les produits de la filature de Seclin comme à Turin par exemple.


Le saviez-vous ?

Lampe Swan
Lampe Swan

Lors de sa création en 1859-60, Guillemaud obtient la permission d'équiper son usine par deux chaudières de 12 135 litres mais aussi de l'éclairer, avec toutes les précautions, par un gazomètre. Si dans notre ville, un unique rescapé des "becs à gaz" (sans le verre) demeure actuellement au coin de la place saint Piat / rue Abbé Bonpain, un document évoque l'installation de lampes électriques dans une autre filature de Seclin. Il s'agit de la filature Lauwick-Lefebvre dont le journal La Lumière Electrique du 28 Octobre 1882 mentionne l'équipement en "9 lampes Siémens et 25 lampes Swan". Communément, on associe l'invention de l'ampoule électrique à M. Thomas Edison et pourtant, il y eut avant lui des précurseurs et des rivaux contemporains... ainsi l'une des premières lampe à incandescence fut l'oeuvre d'un certain Sir Joseph Wilson Swan (1828-1914) qui est également le créateur du système à baïonnette. Un établissement de la Swan United Electric Light Company était installé à Lille à cette époque. 


Filature Guillemaud - ouvriers entretien tissage vers 1890 (source "Si Seclin m'était conté" paru en 2003)
Filature Guillemaud - ouvriers entretien tissage vers 1890 (source "Si Seclin m'était conté" paru en 2003)

Les Guillemaud de Seclin

et le Paternalisme

 

Les Guillemaud vont cultiver leur image de patrons attentif au sort de leurs ouvriers, organisant chaque détail de leur vie quotidienne. Ce qu'on désigne sous le terme "paternaliste".

De 125 ouvriers à son origine, ils sont 425 à y travailler à la veille de la Grande Guerre. Au vu de cette description datant de 1902, on peut y voir les nombreux motifs qui attiraient alors les ouvriers chez les Guillemaud. 

"L"usine possède, depuis une quinzaine d'années, une caisse de secours pour les besoins immédiats de ses ouvriers. Cette caisse est alimentée par les subventions du patron et par le produit des amendes. Tout ouvrier qui se trouve dans le besoin par suite de maladie ou de malheurs arrivés aux siens, reçoit sur sa demande un secours ; de même, les femmes en couches reçoivent leur layette, des secours en nature et une allocation minima de 10 francs.

Les ouvriers de l'usine qui se marient ont une pièce de ménage, objet mobilier, dont la valeur est proportionnée au temps pendant lequel ils ont travaillé dans la maison.

Des pensions de retraite sont organisées pour les anciens ouvriers ; la maison n'a encore qu'un seul rentier, qui reçoit 30 francs par mois, soit 360 francs par an. Les fonds de cette pension sont servis, en dehors des ressources de la caisse de secours, à l'aide d'une subvention spéciale allouée à ladite caisse par les patrons sur leurs propres bénéfices.

Tous les ouvriers de l'usine sont assurés contre les accidents par une compagnie d'assurance à primes fixes, placée sous le contrôle de l'Etat, conformément à la loi de 1898. Le patron seul acquitte les primes ; si nous donnons ce dernier détail, c'est que l'organisation complète de l'assurance fonctionne depuis environ cinq ans, c'est-à-dire avant la promulgation de la loi en 1898." 2

On peut ajouter à cette litanie, la création de chambres d'allaitement au sein même de l'usine. Si ce sujet vous intéresse, n'hésitez pas à consulter cet article de notre cru qui revient sur cette avancée sociale. Et on ne peut oublier la création de maisons mises à disposition de leurs employés à proximité immédiate de l'usine, comme en témoigne encore la ruelle Guillemaud par exemple.

Une idée de la vie réelle au sein des filatures de la région d'après cette oeuvre de Fernand J. Gueldry "le triage de la laine"
Une idée de la vie réelle au sein des filatures de la région d'après cette oeuvre de Fernand J. Gueldry "le triage de la laine"

Le résultat de cette attention au sort des ouvriers peut se voir dans la qualité des produits finis, ainsi dans le rapport fait par Edmond Faucheur, en 1900, on sait que "la filature de lin et d'étoupes de 8400 broches produit des fils, faits en belles matières, servant à la fabrication des toiles, des damassés et des velours. On les emploie également pour les tissus d'ameublements, pour les guipures et fils à coudre". La matière première (le lin) venait initialement de Belgique et de Bretagne, mais curieusement trouvant le produit belge trop cher, Guillemaud en fit venir directement

 

La journée, du 20 Juin 1901, des membres de la Société de Géographie de Lille est fort instructive car elle passe, entre autre par la Pouillerie à Houplin ou l'usine à eau d'Emmerin, mais aussi chez les Guillemaud. Là encore, on peut lire que "le plaisir de parcourir ce bel établissement a été grand pour tous". On y salue "l'extrême propreté, la ventilation complète, l'ordre parfait (...) l'activité et l'application des ouvriers (qui) frappent dans tous les ateliers. Les installations spéciales de la plupart des services(...) 

excite l'admiration" comme celle "contre l'incendie : une pompe Wortinghton aspirante et foulante placée dans le voisinage des chaudières, à peu près au centre de l'établissement, ateliers et magasins, et envoie dans toutes ses parties un réseau de tuyaux avec bouches garnies de lances réparties à l'extérieur et l'intérieur des bâtiments, de manière à déterminer des zones de protections qui se complètent l'une par l'autre. (...) Le personnel est fréquemment exercé à la manoeuvre d'incendie. Après notre passage dans les ateliers où chacun était à son travail, et à la pompe en état de repos, nous donnons nous mêmes le signal d'alarme, un peu moins de une minute et demie après, les lances de la cour arrosaient vigoureusement et abondamment les toits des bâtiments. Disons encore que le séchage des fils s'opère régulièrement par de simples ventilateurs à hélice qui tirent l'air chaud de la chambre supérieure des chaudières et le lancent dans un séchoir tout à fait séparé. Tout le secret git dans une disposition efficace des ventilateurs, à laquelle on n'arrive pas toujours. Le côté moral est à la hauteur des installations matérielles"3.

Mais faut-il être absolument crédule de ces louanges ?

 

Un témoignage dans une autre usine, située à Loos et propriété d'une autre branche de la famille Guillemaud, donne une image bien différente. Certes celui-ci émane d'un journal très à gauche, mais le titre "Loos : Bagne Guillemaud" en fait une contre publicité à ne pas négliger... d'ailleurs les caisses de retraites citées plus haut chez Guillemaud de Seclin ne valaient que pour celles et ceux ayant travaillé au moins 30 ans dans la maison et il va sans dire qu'au moindre écart la porte n'était pas loin ! 

Jacques Philippe Guillemaud est l'un des frères cadet de Claude Guillemaud Aîné. Né également à Lugny, le 4 Juillet 1830, il fut pris sous les ailes de son aîné avant d'installer sa filature de lin et d'étoupes à Loos, rue Lelièvre puis au n°60 Grande Route de Béthune. Voici ce témoignage émanant d'ouvriers loosois où "chez Guillemaud, l'adjoint au maire, le travail commence le matin à 5 heures 10 minutes ; la sortie du soir n'a lieu qu'à 7 heures 3/4. Dans cet espace de temps, il y a deux arrêts : l'un d'un 1/4 d'heure pour déjeuner, l'autre de 3/4 d'heure pour dîner, soit un travail effectif de 13 heures 1/2 par jour. Et lorsque, pour une cause quelconque, la machine arrête, l'on rattrape au déjeuner et au soir. On nous affirme même que, malgré ce travail supplémentaire pour compenser le temps perdu, à la quinzaine retenue est faite la partie du salaire représentant de temps perdu (...)." (L'Avenir du travailleur : organe du Parti Ouvrier de la région Nord - 10-17 Juillet 1887). Mais on peut réhabiliter un peu ce tableau car en 1900, la filature Guillemaud et fils de Loos "s'est appliquée à la recherche des moyens préventifs contre les accidents du travail qui lui ont valu une récompense de la Société Industrielle de Lille".

Afin d'être tout à fait complet, on ne peut pas passer sous silence que leur dernier frère, Benoit Eugène, le benjamin (né le 3 Juillet 1848) c'est lui aussi mis dans le métier en créant en 1880 à Hellemmes-lez-Lille sa filature de lin et d'étoupes au sec au n°6 rue Jacquart (en 1914 : 2 200 broches au mouillé et 4 300 broches au sec) et qu'il épousa Virginie Aimée Marie Claeys, fille d'Henri Claeys, un filateur à Seclin entre 1852 et 1874. 

Intérieur Villa Guillemaud (source : bulletin BM Seclin n°12 - 1992)
Intérieur Villa Guillemaud (source : bulletin BM Seclin n°12 - 1992)

La vie de château

 

Avec une telle réussite économique et ascension sociale, les Guillemaud ont toutes les marques de cette bourgeoisie de la "Belle Epoque". Outre l'imposante filature, la famille vit juste à côté dans deux magnifiques villas-châteaux et dispose d'un joli parc privé. De nos jours, seul le "château Guillemaud" bâti par le fils Claude Guillemaud (1858-1916) subsiste, mais originellement Claude Guillemaud Aîné et son épouse Catherine avait fait construire un autre château. Là encore, les relations familiales jouent à plein car ce premier château et la filature furent dessinés par leur beau-frère : Arthur Aimé Auguste Leclercq (1824-1870). L'une des rares photographies de cette villa montre une ressemblance avec le "château Baratte" (1853-1860) de Templeuve, mais rien de plus normal, Arthur Leclercq en est également l'architecte !

En feuilletant le recensement de 1906 (source ADN version numérique), on découvre toute la famille qui habite dans le second "château Guillemaud", celui que nous connaissons toujours. L'architecture y est éclectique : mélange d'art flamand (pignon à redents) et revivalisme médiéval. Outre les parents : Claude Guillemaud (1858-1916), le fils du fondateur et filateur émérite et son épouse Louise Duriez (1862-1907), y habitent une ribambelle d'enfants : Claude (1883), Suzanne (1886), Yvonne (1888), Anne (1892), Robert (1893) et Agnès (1898). Afin d'éduquer et s'occuper de tout ce beau monde au n°112 rue de l'Hospice, on peut compter sur Jules Mancy, le valet chambre, sur Romanie qui s'affaire en cuisine. Marguerite remet de l'ordre dans les chambres. Elle profite du temps libre alors que les enfants ont la leçon de leur institutrice particulière, Léonie. D'un oeil distrait sur le parc, les enfants aperçoivent leur grand-mère Catherine. Malgré son grand âge, elle prend plaisir à s'y promener et à y discuter de l'aménagement floral et botanique du parc avec son jardinier, Guillaume-César Anssens.

De la Grande Guerre à la fermeture

 

A la veille de la guerre, le nom de Claude Guillemaud brille de mille feux. Le succès industriel (11 500 broches en 1914) et commercial de la filature se complète par une présence au sein du Comité linier de France, il est en sera le vice-président. Nationalement, il arbore depuis 1906 le grade de chevalier de la Légion d'Honneur et est l'un des conseillers au commerce extérieur de la France de 1905 à 1910. Localement, on le trouve à la table du conseil municipal mais aussi à celle de la direction de l'Hospice civil. Le côté très impliqué des Guillemaud se retrouve dans la vie de la cité, ainsi n'est-il pas rare d'entendre ce "musicien distingué et pianiste de talent, accompagner les artistes dans les concerts seclinois" ou de le voir dans d'autres activités : équitation, chasse, escrime... Sportif insatiable, c'est bien logiquement que l'on pense à lui en 1902 pour être le Président de "La Seclinoise", un club de gymnastique... un peu spécial car porte d'entrée à la préparation du service militaire.

Malheureusement ce bonheur est terni par la perte à seulement 9 ans de la benjamine de ses enfants, Agnès le 1er Mars 1907, puis de son épouse en Décembre. L'entrée en guerre et la rapide occupation de Seclin dès Octobre 1914 vont venir clore progressivement ce chapitre. L'année 1916 voit la disparition de la grand-mère, Catherine et de Claude Guillemaud. Alors que son jeune, Robert Léon est mobilisé, l'aîné, lui aussi prénommé Claude (Charles Louis) est appelé à prendre le poste de maire de la ville après la démission de Achille Desurmont en Octobre 1916. Durant la guerre, la filature est l'objet d'un saccage conséquent, mais le fait le plus notable reste la rapide visite du Kaiser Guillemaud II au château le 9 avril 1918.

Vue de la filature Guillemaud après 1918 depuis le parc. Les ruines du château originel ont été déblayées
Vue de la filature Guillemaud après 1918 depuis le parc. Les ruines du château originel ont été déblayées

Lorsque la ville de Seclin est libérée par les forces britanniques au cours du mois d'Octobre 1918, un nombre consiédrable d'infrastructures municipales, privées et industrielles sont totalement dévastées. La filature Guillemaud comme sa voisine la filature Duriez par exemple ou la distillerie Delaune sont dans l'impossibilité de reprendre leurs activités. Dans le parc, le château originel de Arthur Leclercq n'est plus qu'un amas de pierres. Après plusieurs mois d'attente, vers 1920, la vie économique reprend à Seclin et dans les anciens territoires occupés.

La filature devient alors une Société Anonyme et un temps, il est permis de croire que l'essor et les succès d'avant la guerre sont à nouveau là pour des décennies. Les ateliers et machines sont remis en marche et même les unités d'ouvriers augmentent jusqu'à 700 personnes.

Mais la crise économique du début des années 1930 et de graves pertes financières entrainent la fermeture de la filature en Juin 1934. Le désarroi en ville est total. Aux 300 chômeurs déjà recensés viennent d'un coup s'ajouter les 550 de chez Guillemaud... pourtant tout ne semble alors finit. Fréquemment de faux espoirs de repreneurs arrivent et la filature, loin d'avoir été démantelée, pourrait très vite se remettre en marche. Mais plus les mois passent, plus l'espoir s'amenuise. En 1938, les Seclinois sont avertis en Mai 1938 que la filature va être détruite, puis en Novembre que celle-ci va réembaucher ! Mais rien ne bougera plus, sauf que la municipalité va récupérer le château en Février 1938. La municipalité estime alors pouvoir y développer dans son parc des terrains de sports, de jeux et de camps de vacances. Il recevra un temps des écoliers (on s'y protégeait des bombardements durant la guerre), puis les centres aérés. Le parc sera rebaptisé "Parc des Epoux Rosenberg" dans les années 1950.

Et la filature ? Jusqu'en décembre 1973, elle est restée en place. Elle était pourtant dans un bien triste état. Durant la Deuxième Guerre Mondiale, elle fut un lieu de stockage pour les Allemands. Le 2 Septembre 1944, au petit matin, ils y mettront le feu... prémices à un enchainement d'événements tragiques dans la rue d'Houplin qui prendra quelques mois plus tard le nom de "rue des Martyrs de la Résistance". 

Enfin, la famille Guillemaud n'a depuis longtemps plus de lien avec notre ville. Le dernier patron, Charles Claude Guillemaud est inhumé à Perroc Guirec depuis le 11 Juin 1951, délaissant ainsi l'imposant caveau familial au cimetière... qui se trouve justement juste derrière la tombe de Charles Duport.

Recherche et rédaction : Maxime Calis - guide-conférencier Office de Tourisme Seclin & Environs ©

Notes :

 

1. GRILLE, François-Joseph - Description du Département du Nord - Arrondissement de Lille - Seclin, p. 199 - Paris - 1823-1930

2. L. Merchier - "Le lin et l'industrie linière dans le département du Nord" (extrait du journal "L'Industrie Textile") - 1902

3. Bulletin de la Société de Géographie de Lille - "Excursion à Emmerin, Houplin, Seclin et Wattignies", Jeudi 20 Juin 1901 par MM. Ernest Nicolle et Charles Derache.

 

Danièle LEROUGE - L'industrie à Seclin : des balbutiements au début du 20e siècle - 2014 - ISBN 979-10-916617-03-1