Le courage des ouvrières d'Agache

 

C’est après que les celtes aient accordé des vertus porte-bonheur à la fleur de muguet que le roi Charles IX (1550-1574) décidera d’en offrir aux dames de la cour tous les premiers Mai.

 

Au XIXème siècle, les maisons de couture parisiennes avaient pour coutume d’offrir trois brins de muguets aux « petites mains » des ateliers pour leur porter bonheur lors du « bal du muguet ».

 

Quant à la date de journée du travail, son origine nous vient du 1er mai 1886 à Chicago. En effet, outre le fait que le 1er mai était alors le « moving day », jour où les entreprises clôturaient leurs comptes annuels, une grève de 400 000 ouvriers paralyse de nombreuses usines. Une bombe est alors jetée sur le défilé des grévistes faisant une douzaine de morts.

 Trois années plus tard, en hommage à cet évènement, le congrès socialiste français décide de faire du 1er mai « Une journée internationale des travailleurs ».

 Et, c’est en 1976 que les manifestants du 1er mai remplaceront, de leur boutonnière, un brin de muguet de la fleur d’églantine aux trois pétales qui symbolisaient les trois parties égales d’une journée : 8 heures de travail, 8 heures de sommeil et 8 heures de loisirs.

 Enfin, c’est sous le régime de Vichy que le 1er mai deviendra jour férié confirmé après la libération en 1947.

 

Durant l’apogée industrielle, la ville de Seclin compte un nombre important d’industries dont 8 filatures.

 Mais, l’occupation de la ville par les allemands lors de la grande guerre anéantira une grande partie d’entre elles. A commencer par la distillerie DELAUNE, installée le long du canal, qui sera entièrement détruite. Monsieur Marcel DELAUNE (1855-1926), liquidera son affaire et vendra ses locaux à la Filature AGACHE.

 

A l’aube de la seconde guerre mondiale, 420 ouvrières et 80 ouvriers y travaillent sous des cadences soutenues. Les ouvrières, pieds nues dans leurs sabots, tissent sur des métiers aux résidus d’huile de lin et d’eau dont les déchets se répandent sur le sol risquant la chute à chaque instant sous ce liquide visqueux. Leurs mains, fines et fragiles et non protégées, s’agressent au contact répété du fil à tisser.

 

Très vite après la déclaration de la guerre, notre région est occupée par les Allemands. Les officiers exigeant plus de charbon, pressent les mineurs à une cadence de production déraisonnée. Jusqu’à la rupture à la fin du mois de mai 1941 où une phénoménale grève des mineurs éclate sur tout le bassin minier.

 

Nos ouvrières d’AGACHE, souvent filles ou épouses de mineurs, suivent le pas par solidarité. Elles bloquent leur poste de travail et réclament du savon pour se laver les mains et des balais pour nettoyer les sols.

 Très vite, le débrayage se répand dans les filatures environnantes. 

Plaque commémorative des ouvrières gréviste d'AGACHE Parc de la Ramie à Seclin - Origine S. CHICHE
Plaque commémorative des ouvrières gréviste d'AGACHE Parc de la Ramie à Seclin - Origine S. CHICHE

Six fileuses et trois ouvriers d’AGACHE sont arrêtés. Après une brève détention à Seclin, un convoi allemand les expédie à Lille dans les cachots du sous-sol de la Kommandantur qui font office de salle de torture. Les femmes sont ensuite emmenées à la caserne Kléber dans des cellules tellement crasseuses, que nos fileuses les nettoient de fond en comble. Elles craignent à tout moment l’exécution par décision d’officiers allemands. Et c’est après 19 jours de détention qu’elles seront libérées saines et sauves mais sans avoir eu raison de leurs revendications.

 

Quant aux 100 000 mineurs grévistes, du 27 mai et le 10 juin 1941, dont les historiens diront « qu’ils ont fait trembler l’armée allemande », 270 seront déportés en Allemagne et 130 ne reviendront pas.

Le manque à gagner pour les allemands s’est chiffré à 500 000 tonnes de charbon accentué par la perte de production de nos braves ouvrières fileuses.

 

Sophie CHICHE - Guide Conférencière - Office de Tourisme de Seclin.